dimanche 26 avril 2009

La légende de la dame blanche de Greifenstein

Château du Greifenstein (ou du griffon) - Saverne (67)



Un court préambule pour indiquer deux sources qui me furent indispensables. Tout d’abord la légende que j’ai repris mot pour mot de l’ouvrage « Légendes d’Alsace » de Gabriel Gravier qui l'a reprise lui-même d’Auguste Stoeber. Quand on à la chance d’avoir des textes anciens, il est dommage de les dénaturer, d’où ma démarche. Ma deuxième source est l’article « La légende de la fille d’Hippocrate à Cos » de Mr Huet dont le travail m’a servi de toile de fond pour la seconde partie.



La légende :


A Saverne, vivait encore en 1858 un vitrier qui, depuis de longues années, avait l’habitude de s’en aller tous les dimanches matin au château de Greifenstein, situé à l’ouest de la ville, à l’entrée de la belle vallée de la Zorn. Là, il s’asseyait sur un rocher, prenait son flageolet et jouait un petit air. Or, plusieurs fois, en face de lui, sur une tour ruinée, était apparue une dame vêtue de blanc, qui l’avait accompagné sur une flûte.



Au début le vitrier fut surpris par cette étrange apparition ; mais il s’y habitua peu à peu, si bien qu’une fois, apercevant la dame sur le rebord vertigineux de la tour, il s’enhardit et l’interpella :

Prenez garde de tomber !


Et la dame soupira : Plut à Dieu que je pusse me précipiter au fond de cette vallée pour mettre fin à mon tourment.

- Êtes-vous donc si malheureuse ? demanda le vitrier, ému de pitié.

- Plus que vous ne pouvez l’imaginer, répondit l’apparition ; je ne trouve point de repos dans la tombe. Du temps où je vivais sur la terre, j’étais pleine de vanité et d’avarice ; j’entassais trésors sur trésors et les cachais dans ce château ; ainsi j’ai injustement acquis cette prairie qu’on appelle encore maintenant Helematt d’après mon nom Héléna. Mais mes souffrances ne peuvent prendre fin. La malédiction du Ciel, en raison de mes péchés, me change chaque vendredi en un hideux crapaud. Je serai rachetée par celui qui aura le courage de m’embrasser sous cet aspect et de prendre la clé d’or que j’ai dans la bouche ; il aura pour lui un tiers des riches trésors cachés dans les cavernes de ces rochers ; il devra employer les deux autres tiers en bonnes œuvres.


Crapaud - Dynastie Qing. Photo : Martine Beck-Coppola


Ces paroles, avec le regard angoissé et suppliant que la dame lui jetait, décidèrent le vitrier à lui promettre qu’il essaierait le vendredi suivant de la racheter.


Il vint en effet à l’heure convenue, mais quand il aperçut sur le rocher l’immense et hideux crapaud avec ses gros yeux ronds qui luisaient, il perdit tout son courage et prit sa course jusqu’au bas de la montagne. Depuis ce jour, il ne retourna plus au château de Greifenstein et ne joua plus de son instrument favori.




La réalité :


Nous allons laisser de coté, dans cet article, le château du Greifenstein que nous retrouverons dans une seconde légende, pour nous occuper ici du mythe de la princesse transformée en batracien et du baiser libérateur. En effet nous connaissons tous des variantes de ce thème ultra-classique dont ont usé et abusé beaucoup de conteurs ou scénaristes. Nous allons d’ailleurs de ce saut nous intéresser à une légende aux similitudes troublantes qui nous vient de Grèce.



Jon Bonebrake



La légende de la fille d’Hippocrate à Cos.


Pour cette légende j’ai utilisé le texte du 14ème siècle de Jean de Mandeville qui aurait (rien n’est moins sûr) visité l’île de Cos, d’où il aurait rapporté cette légende. Je l’ai remanié pour qu’elle soit (un peu plus) lisible.


On dit que dans l’île de Cos où Hippocrate fut souverain, se trouve encore sa fille sous la forme d’un grand dragon de cent toises de long. On peut la voir sous cette forme deux ou trois fois par an dans un vieux château de l’île.


Elle fut une belle demoiselle que la déesse Diane changea en dragon, sortilège qui durera tant qu’elle ne trouvera pas un chevalier acceptant de l’embrasser sur la bouche. Le baiser mettra fin à la mutation mais la demoiselle n’aura plus guère de temps à vivre.


Un chevalier hospitalier du château de Rodes, qui était preux et hardis, annonça qu’il embrasserait le dragon et partit sur un bon coursier jusqu’au château. Il pénétra dans la cave où se terrait le dragon, mais quand le destrier du chevalier vit l’hideuse face du dragon, il fut prit de panique et sauta du haut d’une haute roche, plongeant avec son cavalier dans la mer. Ainsi fut perdu le chevalier.


Un jeune homme qui ne connaissait rien de l’histoire et du dragon parvint sur les lieux à bord de son embarcation. Il pénétra dans le château et gagna par hasard la chambre où il vit une jeune femme se peignant dans un miroir et toute entourée d’or. La dame le vit dans son miroir et lui demanda la raison de sa présence, ce à quoi il lui répondit qu’il venait en ami. La discussion s’engagea au cours la jeune femme demanda au visiteur si il était chevalier, ce qu’il n’était pas.


- Allez retrouver vos compagnons, et faites vous faire chevalier. Demain je serai dehors à vous attendre. Quand vous me verrez, ne prenez pas peur, je ne vous ferai pas de mal. Si vous me trouvez hideuse, c’est uniquement par enchantement. Embrassez moi sur la bouche et vous serez mon mari et aurez tous les trésors que vous voyez ici.


Le jeune homme quitta l’île et se fit faire chevalier parmi ses compagnons. Puis il revint le lendemain pour donner le baiser promis à la demoiselle. Quand il la vit sortir de son antre sous sa forme de dragon, il prit si peur qu’il se précipita vers son bateau. La pauvresse le suivi et quand elle vit qu’il ne reviendrait pas, elle fondit en larme en retournant dans son château. Le jeune chevalier mourut rapidement comme tous ceux qui le suivirent jusqu’à présent. Mais il en viendra un, un jour, pour aller l’embrasser. Celui-ci ne mourra pas, délivrera la demoiselle de sa métamorphose et deviendra seigneur du pays.


Représentation de Jean de Mandeville


Dans cette légende on retrouve la trame de notre légende du Greifenstein. Simplement la belle n’exige plus d’être embrassé par un chevalier et le dragon devient un crapaud. Comme coâ, tout se perd… Mais le reste du thème est quand même fort troublant et il y a de grande chance que notre légende soit une transposition de celle-ci ou d’une équivalente. Il est possible que la légende ait fait des haltes par différents lieux avant de s’implanter sur le Greifenstein. Il est également possible que cette légende basée à Cos soit elle-même une adaptation d’une autre, plus ancienne, ou d’un thème folklorique antérieur. Il y a beaucoup à dire sur ce texte, mais je vous laisse vous reporter aux travaux de G. Huet pour de plus amples informations.





La légende dans les romans de la table ronde : le fier baiser.


Il existe dans le cycle des romans de la table ronde, la notion de « fier baiser » que fit Lancelot. Pour vous conter cette légende je me suis basé sur la version écrite vers 1200 par Ulrich von Zatzikhoven et adaptée en français par René Pérennec.


En entrant dans une forêt sauvage, le vaillant Roidurant y trouva le plus hideux serpent que l’on n’eut jamais vu et parlant la langue des hommes. Celui-ci le supplia de l’embrasser, mais Roidurant, aussi intrépide fut-il, quitta prestement la forêt. Il fit part à la cour de sa découverte et aussitôt presque tous les chevaliers présents gagnèrent la forêt. Le serpent, entouré des nombreux chevaliers, les supplia de le libérer ses tourments en lui offrant un baiser. Mais aucun homme n’intercéda aux demandes répétées du reptile. Ayant apprit l’aventure, Lancelot prit neuf hommes avec lui et se rendit à son tour sur les lieux. Alors qu’ils arrivaient devant le serpent demandant déjà un baiser, les neufs chevaliers prirent peur et stoppèrent leurs chevaux. Seul Lancelot avança. Le serpent répéta sa supplique et Lancelot finit par mettre pied à terre. Sitôt eut il embrassé la bouche du serpent que celui-ci se jeta dans la rivière toute proche. Il en ressorti la plus belle femme que l’on n’eut jamais vu jusque-là, vêtue d’habits magnifiques. Celle-ci remercia mille fois le courageux chevalier. Cette dame était Elidia, fille du roi de Thile. Celle-ci fut condamner à prendre la forme d’un serpent jusqu’au jour où elle recevrait le baiser du meilleur chevalier du monde.


Lancelot par John Howe


On retrouve ici le thème du baiser libérateur, même si ici il trouve une issue favorable. Cette fois le dragon est devenu un serpent, il n’y a plus qu’un pas dans la chaîne alimentaire vers le batracien.


Il va être difficile d’établir les chronologies entre ces textes l’un à t’il inspiré l’autre ? Etait-ce un thème folklorique traditionnel ? La logique voudrait évidemment que la version de Cos ait était ramenée pour finalement trouver sa place dans les romans de la table ronde, mais des doutes sur la version de Mandeville soumettent cette thèse à caution.





Et puis, et puis, et puis….


Et puis il y a d’autres versions que vous connaissez certainement. Tout d’abord le conte russe de la princesse grenouille où la princesse retrouvera son aspect humain après un baiser.

Et puis toutes les versions que l’inconscient populaire véhicule où les crapauds se métamorphosent en princesse ou en prince suite à un baiser.

C’est cette seconde transformation que nous racontent les frères Grimm dans « le roi Grenouille ». Un beau conte où c’est une princesse qui devra embrasser une grenouille, contrainte et forcée par père, pour respecter une promesse. Grenouille qui cache évidemment, sous ses traits peu aimables, un beau prince charmant.


La princesse grenouille - Disney


Et puis Gabriel Gravier signale la même légende que celle de Greifenstein à Wissembourg (Alsace), dans le territoire de Belfort, en Allemagne et en Suisse.


Et puis… notre princesse ? Helena ? Et bien elle doit encore attendre en haut de son rocher. Malheureusement je suis passé un jeudi.



Plan :


Voici le plan pour vous rendre au Greifenstein. Parmi les nombreuses options possibles, je vous propose de prendre la route en direction de Lutzelbourg et de vous garer au niveau du premier chemin après la sortie de Saverne. De là prenez votre temps pour gagner Greifenstein via les différentes fontaines (dont Mélanie). Pensez à poursuivre votre randonnée jusqu'à la surprenante Grotte Saint-Vit (idéalement au printemps-été pour profiter de l'incroyable jardin).



Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :




Bibliographie :


Gabriel Gravier. Légendes d’Alsace. Tome III. Pages 192-195. Une série d’ouvrages indispensables sur le légendaire alsacien.


Huet G. La légende de la fille d’Hippocrate à Cos. Bibliothèque de l’école des Chartes. 1918. Pages 45-59. A lire pour plus d’informations sur ce qui gravite autour de la légende grecque.

Disponible sur le site Persée http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1918_num_79_1_448606


Lanzelet d’Ulrich von Zatzikhoven par René Pérennec. Pages 367-373. Disponible partiellement sur Google Book en VO et en français moderne.


Le roi Grenouille ou Henri de Fer. Grimm Contes. http://www.grimmstories.com/fr/grimm_contes/la_fille_du_roi_et_la_grenouille pour lire ce beau conte des frères Grimm. Le site propose d’ailleurs l’intégralité des contes.


Wikipédia. Jean de Mandeville. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_de_Mandeville


lundi 13 avril 2009

La légende de la chapelle de Rabas et de la source Charlemagne 1/2

Source Charlemagne / Chapelle de Rabas - Saint-Hubert (57)




La légende :


Lors d’un de ses passages dans la cité de Thionville, Charlemagne partit chasser dans cette région qu’il aimait tant. En cette chaude et belle journée il prit la direction de Vigy et se mit en chasse dans les environs de Saint-Hubert. La journée avançant, les effets de l’astre du jour se firent plus intenses. La chaleur devint même accablante et à force de poursuivre sangliers et cerfs, les hommes de l’Empereur se perdirent.



La conjonction de leurs efforts et de la chaleur fit naître, chez les hommes comme chez les bêtes, une soif intense. Malgré les recherches il fut impossible de trouver le moindre filet d’eau ou la moindre petite mare pour parer à la déshydratation.


Première source


Très touché de voir les siens ainsi souffrir, Charlemagne fit un vœu à la Vierge. Il lui construirait une chapelle si elle venait à son secours en leur apportant de l’eau. Et aussitôt une eau salutaire apparue aux pieds du cheval de l’Empereur.


Deuxième source


Charlemagne fidèle à sa promesse fit construire, à peu de distance de là, une chapelle dédiée à celle qu’il invoqua.



Les variantes :


Il existe une variante de la légende contant que l’empereur demanda à son cheval de frapper trois fois le sol pour faire jaillir l’eau. Il est dit que si l’on creuse le sable, on peut encore voir la trace du sabot du destrier dans le sol. Cette variante se solde également par la construction de la chapelle de Rabas.

Une seconde légende reprend la même amorce et arrive à une conclusion identique, mais par un biais très différent. C’est ce que nous verrons ici.


Troisième source


La réalité :


Le cheval de Charlemagne, un animal bien peu discret.


Si l’on s’attelait à une recherche systématique des lieux légendaires marqués par Charlemagne, et notamment par son destrier, on serait certainement surpris du nombre de traces de sabots laissées. La croyance populaire voit son passage par exemple à Chavigny (54), à Saverne (67), à Gérardmer (88), etc. A Chavigny, c’est exactement la même légende que l’on retrouve.

Mais Charlemagne n’a pas forcement besoin de son cheval pour faire apparaître des sources. C’est ce que la légende lui attribut entre autre à Saint-Agnant (17). Et puis quand il est las de ne laisser que l’empreinte du sabot de son cheval, l’Empereur ajoute la marque de ses fesses à côté, comme à Lagrasse (11).



Ce que nous dit l’histoire, c’est que Charlemagne aimait effectivement la chasse et qu’il aimait également Thionville, qui connut d’ailleurs sous son influence de nombreuses modifications. Il existe par exemple la légende de la Tour aux puces qui lie Charlemagne à la ville (nous verrons que l’histoire, la vraie, n’est pas aussi simple que ça).



La chapelle de Rabas, une initiative de Charlemagne ?


L’histoire ne contredit pas la possible influence de Charlemagne dans la construction de la chapelle de Rabas. Les « Chroniques de la cité de Metz » en fait d’ailleurs mention.


La chapelle est d’abord en 806 un petit oratoire. Au cours du XIème siècle, les lieux deviennent une destination de pèlerinage. C’est au monastère de Saint-Arnould qu’incombera l’entretien des lieux. La révolution passera par là et la chapelle sera revendue à un particulier. Un bon siècle plus tard elle sera rachetée par l’église qui la relèvera de ses ruines pour la remettre dans son état actuel.




La source Charlemagne


La source Charlemagne correspond à trois résurgences de l’eau allant alimenter le ruisseau de Reibach. Voila pourquoi, dans la variante de la légende, le cheval frappe trois fois le sol. Il y a fort à parier que les lieux furent un lieu de dévotion païenne ainsi christianisé. Nous en reparlerons dans la seconde légende. On peut toutefois noter qu’il existe une grande analogie entre le Charlemagne des légendes et les saints eux aussi légendaires. La capacité à produire des sources, à marquer le paysage ou à invoquer la Vierge étant du ressort du merveilleux.


Les trois sources. Celle de de droite est cachée par le monticule. La poubelle est en bonus.



La croyance :


En plus des légendes, une croyance baigne Rabas.

La tradition populaire assure que les lieux guérissent les nourrissons rachitiques. L’opération consiste à apporter un vêtement du « malade » et le jeter dans l’eau. Si le vêtement flotte, la guérison est certaine. Il faut ensuite aller toucher la statue miraculeuse de Notre-Dame de Rabas. Evidemment il sera utile d’aller boire l’eau de la fontaine Charlemagne et en rapporter pour s’en servir après le retour.

Voici un nouvel élément en faveur d’un ancien lieu culte païen.





Plan :


Voici le plan pour vous rendre à la chapelle de Rabas et à la source Charlemagne. Les deux sont à peu de distance l'un de l'autre le long de la route. Il existe de belles randonnées à faire en partant par exemple de l'ancienne abbaye de Villers-Bettnach.



Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :





Biographie :


La Lorraine des Légendes. Roger Maudhuy. Pages 290-291. Une source toujours aussi indispensable.


Contes et légende de Lorraine. Nicole Lazzarini. Pages 257-258. Un très beau travail d’écrivain, très agréable à lire.


Vigy – Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vigy avec une des versions de la légende


Thionville sous Charlemagne – En-moselle.com : http://en.moselle.free.fr/Histoire/thionvillesscharlemagne.htm


Lieux attachés à Charlemagne. Société de mythologie française. http://www.mythofrancaise.asso.fr/mythes/figures/CHlocal.htm


Les fontaines à légendes de la commune de Saint-Agnant. Jacques Duguet. http://seucaj.ifrance.com/fontainessa.htm


Les fesses de Charlemagne. http://www.editions-verdier.fr/banquet/n37/garrig2.htm


Charlemagne dans l’historiographie messine. Mireille Chazan. Ecriture de l’histoire (XIV-XVIeme siècle). Page 65


Une langue, deux cultures. Gerard Bouchard, Martine Segalen. Page 61.



Iconographie :


Charlemagne (émaillerie). Colin Nouailher ? 16ème.


Charlemagne, Empereur d'Occident. Louis Felix Amiel. 19ème.


La légende de la chapelle de Rabas 2/2

Chapelle de Rabas - Saint-Hubert (57)



Il existe une seconde légende quant à la fondation de la chapelle de Rabas. Celle-ci semble beaucoup moins connue.


La légende :


Alors qu’il chassait dans la forêt de Saint-Hubert, Charlemagne aperçoit un chevreuil au milieu d’un torrent. L’animal reste figé sur place alors que la meute et la troupe font grand bruit. Etonné par le comportement de l’animal et soupçonnant un miracle, l’Empereur fait creuser là où s’est arrêté le chevreuil. On eut tôt fait de trouver une statue noire de la Vierge. Charlemagne lui fit édifier une chapelle qu’il nomma Rebach, c'est-à-dire « torrent du chevreuil », en allemand.


Une version affreusement mutilée pour la "bonne cause" d'un tableau de Courbet (voir iconographie)



La réalité :


Un torrent, c’est beaucoup dire.


Rebach fut effectivement une des appellation des lieux. La première je ne sais pas, mais en tout cas la première recensée (en 1200). Il pourrait effectivement s’agir de Reh : « le chevreuil » et Bach : « le ruisseau ». Le nom a ensuite lentement dérivé vers Rabas. Le ruisseau lui s’est par contre arrêté au patronyme de Reibach.

La notion de ruisseau colle beaucoup mieux à la réalité du terrain que celle de torrent. Ne cherchez pas des flots déchaînés et bouillonnants, vous ne trouverez qu’un ru paresseux. Mais dans les légendes il ne faut pas lésiner sur les effets de style.




La statue de la Vierge à l’enfant, ni vu ni connu, je te l’échange.


La légende nous rapporte l’existence d’une vierge noire qui aurait conduit à la construction de la chapelle. C’est tout à fait possible que telle soit l’origine de la chapelle. D’autant plus que les vierges noires sont assez typiques du Moyen Âge. Différentes raisons sont invoquées pour expliquer cette couleur, qu’elles soient volontaires ou non (support noir, mauvais pigments, dépôts de suie ou adaptation au Cantique des cantiques).


Si il est possible que la chapelle de Rabas abrita une vierge noire, il y a peu de chance que celle-ci fut sorti des eaux du ruisseau. Ce que l’on a sorti des eaux, c’est plus certainement un culte païen que l’on a voulu remplacer en christianisant les lieux. Cela permet de faire passer en douceur le culte d’une divinité ou d’un être merveilleux, vers la « vraie » religion.




Si la Vierge fut peut être noire à l’origine de la chapelle, ce n’est plus celle-ci qui se trouve en place. Actuellement la « Vierge à l’Enfant assise » en calcaire à la peau blanche. Elle est datée par les monuments historiques du 4ème quart du 14ème siècle, sauf évidement pour la couleur actuelle. Elle est donc bien postérieure à la chapelle et remplace certainement une statue plus ancienne.

Image prise sur Wikipédia. Auteur : Martinmurielle



Un lieu de pèlerinage et de croyances.


Nous avons vu que l’on venait voir Notre Dame de Rabas pour soigner les nourrissons rachitiques. On invoquait également la Vierge en période de calamité pour que la situation s’arrange.


En 1049, le Pape Léon IX se serait rendu sur place pour consacrer la chapelle. Celle-ci devient alors un lieu d’un pèlerinage qui existe encore aujourd’hui. C’est le lundi de Pentecôte que se déroule celui-ci.




Plan :


Voici le plan pour vous rendre à la chapelle de Rabas et à la source Charlemagne. Les deux sont à peu de distance l'un de l'autre le long de la route. Il existe de belles randonnées à faire en partant par exemple de l'ancienne abbaye de Villers-Bettnach.


Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :






Bibliographie :


Vigy sur la base de donnée Mistral


Vierge noire. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Vierge_noire


Les processions religieuses en Moselle. Annuaire de la fédération historique lorraine. 1930. Page 170.

Annuaire de la société d’histoire et d’archéologie de Lorraine. 1971. page 75.



Iconographie :


Moitié droite de Remise de chevreuils au ruisseau de Plaisir-Fontainede Gustave Courbet. La version complète se trouve ici